Judith Scott est atteinte du syndrome de Down (trisomie 21). Également sourde et muette, elle ne peut communiquer avec le monde extérieur. Quand en 1950, à l’âge de sept ans, elle est déclarée inapte à suivre tout enseignement spécialisé, elle est brutalement coupée des siens et se retrouve privée d’environnement pédagogique et artistique. Elle passe alors plus de 35 ans dans des institutions spécialisées, soumise à des conditions proches de l’internement. En 1986, Judith Scott est prise en charge par sa sœur jumelle qui obtient sa tutelle et l’emmène avec elle en Californie. Elle vit dès lors dans un milieu adapté à son état et rejoint le Creative Growth Art Center, à Oakland, où elle s’engage spontanément dans la création. Ce petit bout de femme éternelle enfant est totalement inconsciente qu’elle opère dans le domaine de l’art. Les sculptures qui constituent son unique moyen d’expression resteront un mystère envoûtant jusqu’à sa mort en 2005 à l’âge de 62 ans.
Sandra Adam-Couralet et Allan Belland, commissaires d’exposition lui rendent aujourd’hui hommage en présentant « une douzaine de ses œuvres exposées pour la première fois à Paris, résonnant profondément avec les objets de la sculpture contemporaine comme ceux de Louise Bourgeois ou de Tony Cragg. La liberté technique, ainsi que la richesse psychologique et émotionnelle, qui conduit la démarche de Judith Scott est exemplaire pour d’autres de la scène actuelle, bien au-delà des questions troublantes de son handicap. Il s’agit de montrer ses sculptures textiles en tant qu’objets magiques, secrets et puissants, montrer une pratique de la sculpture désinvolte à l’égare du tissage et des formes traditionnelles, faire honneur au même titre que les autres artistes invités à une démarche inédite. »
Jusqu’à sa mort, Judith poursuivra son travail solitaire de fileuse de chrysalide, nous laissant dès lors son expression unique et récurrente : une obsédante danse autour des objets anodins dissimulés sous des résaux complexes de fils colorés. Judith tissait des cocons géants et multicolores, qui nous évoquent des fétiches magiques, des poupées d’envoûtement ou des totems. Ses oeuvres semblent douées du pouvoir de vie ou de mort, ou renfermer un secret que l’artiste prenait soin de cacher. Comme un besoin de tisser des liens qu’elle avait elle même perdu à une triste époque de sa vie. Judith embauma ses secrets d’innocence et de symbolisme, entre enfermement et libération, sous des cris de couleurs et des strates de matières douces.
Ses œuvres sont visibles jusqu’au 18 décembre au Collège des Bernardins à Paris. Une exposition à découvrir absolument pour ne pas perdre le fil…
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